Alors voici comment ça s’est déroulé.
Le 1er rendez-vous a lieu à Montmartre.
Sur le coup des dix heures, le photographe et le cameraman s’étant installés à l’entrée du Sacré Cœur, deux hommes, sur le parvis, se déshabillent et se mettent en peignoir. Puis ôtent leur peignoir et restent une minute ainsi, sans bouger.
Il y a juste derrière un camion de pompiers, les pompiers sont pliés de rire. Et toute la foule qui monte les marches menant au Sacré Cœur qui voient donc nos hommes de dos et passent à côté.
Quand les hommes remettent leur peignoir, ils ont droit à une salve d’applaudissement.
Des touristes demandent à se faire photographier en leur compagnie.
Sûr que les courriels du jour seront « tu ne devineras pas ce que j’ai vu à Montmartre aujourd’hui?! », avec photos à l’appui. Les voilà célèbres au Japon, en Pologne, en Allemagne, en Italie, en Espagne…
Vient ensuite le moment d’aller filmer la prise suivante, dans un des escaliers qui par le côté montent au Sacré Cœur.
Beaucoup moins de monde, mais quelques personnes qui assisteront à la prise de vue. Et qui se fait photographier et filmer? Votre serviteur.
La scène suivante est beaucoup plus osée, un truc de fou : sur les Champs-Elysées !
Dans le quartier de France à la plus forte densité de policiers et gendarmes au m². Il y a là en effet le commissariat du 8ème arrondissement, et en face, l’Elysée et l’Ambassade américaine.
Et où vont-elles (ce sera au tour des filles) se mettre ? En plein milieu de la chaussée !
(Là, je mets en garde : à supposer que la nudité ne soit pas un problème, il y aura les questions de sécurité : danger de créer des télescopages).
Mais bon, le producteur est un risque tout, les filles sont décidées à ne pas reculer (pourtant, vous lirez la suite, se dénuder n’était nullement évident pour l’une d’entre elles).
Ce qui devait arriver arriva : à peine avaient-elles ôté leur peignoir, passent deux motos de gendarmerie. Elles n’étaient pas venues pour cela, mais passaient : il passe en continuité des véhicules de police et de gendarmerie sur les Champs-Elysées.
Bon, que va-t-il advenir?
Sont embarqués les deux filles, le réalisateur et la régisseuse.
(Entre temps, la cassette des images a été mise à l’abri).
Mais les gendarmes (surtout paraît-il l’un des deux, plutôt amusé; l’autre disait « mais, les enfants ? ») sont bonhommes. Il n’y aura aucune suite, ni garde à vue ni amende ni même convocation pour un rappel à la loi, juste un « bon, ne recommencez pas! »
(Au commissariat un policier dira même : c’est vrai, quand on y pense, dans ce pays, il y a de moins en moins de liberté).
Qu’on y songe, c’est quand même à noter !
Et je suis intimement persuadé que nous tenons là un exemple flagrant d’inégalité de traitement entre les hommes et les femmes.
Quand on a fait ça, on n’a plus rien à craindre.
Rendez-vous est pris pour la suite, où nous retrouvons Sylvie, notre présidente, qui avec deux autres filles va poser sur une passerelle enjambant le Canal Saint-Martin, juste en face de l’Hôtel du Nord (« Atmosphère, atmosphère : mais est-ce que j’ai une gueule d’atmosphère? »).
Déshabillage sur la passerelle, prise de vue, rhabillage.
La suite se termine au sous-sol d’une librairie, pour filmer en intérieur (filmer la foule du concert, l’effet de masse sera créé par multiplications d’images).
Et c’est là que je réalise qu’il y a diverses nudités et diverses attitudes face à elle, car certaines des filles ou gars qui ont posé en pleine foule ont alors des réticences. Eh oui, sur les Champs, il y avait un côté « chiche que ! » qui n’existe plus ici. La nudité pour un pari fou, oui, une nudité plus banale, problème.
Qui peut le plus peut le moins? Eh bien non. Un peu comme si vous plongiez de 20 m de haut, mais que vous aviez peur de sauter depuis le bord de la piscine.
Une fois tout cela terminé, certains (dont moi) quittent le groupe, donc je ne peux pas vous raconter la suite, je crois qu’ils sont allés au restau.
Mais ce dimanche dans le Journal du Dimanche, dans les pages Paris, il y a un encart, avec la photo
Et voilà !
Philippe Engammare