Avec « Paradis naturistes », l’art de vivre nu s’expose au Mucem à Marseille

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Par Maritima29/05/2024 à 15:28

Vivre nu et porter cette philosophie de vie comme un étendard de liberté absolue où l’Homme est en parfaite communion avec la nature. Avec « Paradis naturistes », dès juillet, le Mucem de Marseille veut permettre au public d’embrasser cette utopie.

Se présentant comme « la première exposition » en France sur cette thématique, ces « paradis » réuniront quelque 600 oeuvres du 3 juillet au 9 décembre sur les 500 m2 du rez-de-chaussée du Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem). « Il y a une iconographie liée au naturisme exceptionnelle », a expliqué lors d’une conférence de presse mardi Jean-Pierre Blanc, directeur du centre d’art et d’architecture Villa Noailles à Hyères (Var) et co-commissaire de « Paradis nudistes ».

Parmi les objets qui seront présentés, dont certains sont prêtés par le Centre Pompidou, le Louvre, la bibliothèque nationale suisse à Berne ou la Fondazione Monte Verita à Ascona (Italie) figurent photographies, films, revues, objets du quotidien, peintures, dessins, livres, estampes ou encore sculptures.

L’exposition se décomposera en une partie historique, rappelant les origines du mouvement naturiste, né avec le courant hygiéniste en Allemagne au XIXe siècle avant son développement dans l’Hexagone ; un état des lieux actuel ; puis sa déclinaison politique, avec l’apparition des manifestations pour personnes nues, des actions militantes dénudées et enfin du « body-shaming », ces critiques stigmatisantes sur le physique.

« Partager la culture et les belles choses »

L’exposition « est un acte politique, celui de partager la culture et les belles choses », a poursuivi M. Blanc, qui tente de faire classer le naturisme au patrimoine immatériel de l’Unesco. « La France est la première destination touristique au monde pour les naturistes: son climat tempéré et la présence de trois mers ont facilité l’installation de véritables communautés qui – excepté en Suisse – ont peu de véritables équivalents ailleurs en Europe ». Dès lors, « vivre nu en communauté pour communier avec la nature serait-il le secret du bonheur et de la santé? », s’interroge la présentation de l’exposition.

Une fois par mois, les mardis, des visites nues seront proposées au public.

Outre cette exposition temporaire, le Mucem va également se réorganiser en proposant à partir du 5 juin sur 800 m2 une nouvelle collection permanente consacrée aux cultures de la Méditerranée. Intitulée « Méditerranées – Episode 1: Inventions et représentations », elle vise à plonger les visiteurs dans l’histoire des « Méditerranées, plurielles et fantasmées », en retravaillant sur les imaginaires passés, notamment l’histoire liée à la colonisation.

© Agence France-Presse

 

 

Dernier micro-trottoir de l’année sur ce thème qui parle du naturisme. 

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2 réflexions sur “« Paradis naturistes » au Mucem, à Marseille jusqu’au 09/12/2024”

  1. ART ET DESIGN : TOUT, TOUT, TOUT, VOUS SAUREZ TOUT SUR LE NATURISME
    Entretien avec Bernard Andrieu, commissaire d’exposition pour “Paradis Naturistes” au MUCEM.

    PAR NINON MORCHAIN 03 JUILLET 2024 13 MIN

    Au Mucem à Marseille, l’exposition “Paradis Naturistes” mettra en lumière le mouvement naturiste, du 3 juillet au 9 décembre 2024 prochains. Avec plus de 600 pièces allant de photographies et films à des objets du quotidien et œuvres d’art, elle plongera les visiteurs dans les multiples facettes de cette pratique historique, révolutionnaire et véritablement libertaire. Une exposition qui donne donc espoir, en ces temps où les libertés du “pays des droits de l’Homme” risquent gros !

    Pour nous éclairer sur cette pratique, nous avons interrogé le philosophe du corps et commissaire de l’exposition, Bernard Andrieu, habitué des pratiques corporelles en tous genres. Pratiquant depuis son enfance au sein de sa famille et auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet, il nous dévoile tout sur cette pratique sociale qui transforme tous ceux qui osent s’y aventurer.

    Pourriez-vous commencer par rappeler la différence entre le nudisme et le naturisme, deux pratiques qui sont fréquemment confondues ?

    Bernard Andrieu : Comme son nom l’indique, le nudisme est une pratique qui consiste à se mettre nu, en revanche le naturisme relève plus d’un mode de vie au sein duquel cette nudité peut être inclue. Par exemple, il y a beaucoup de naturistes qui ne se mettent pas tout le temps nu, ce n’est pas obligatoire. Le naturisme est une façon de rentrer en contact avec la nature qui implique plein d’autres aspects tels que le végétarisme, le véganisme, ou encore le sport en pleine nature. Par exemple, à ses débuts à la fin du XIXe en France, le naturisme correspondait à une médecine hygiéniste où la nudité n’était pas exigible. En revanche, en Allemagne à la même époque, avec l’émergence du mouvement de la Lebensreform, la nudité est revendiquée. Ce mouvement révolutionnaire prônait une nudité intégrale, pratiquée dans des communautés autarciques et anarchistes. Aujourd’hui encore il existe une diversité de courants naturistes qui ne se réduisent pas au nudisme, c’est vraiment ce que nous voulons que les visiteurs retiennent et c’est d’ailleurs pour ça que l’exposition s’intitule “Paradis naturistes” au pluriel !

    A travers cette exposition ainsi que l’ouvrage éponyme pour lesquels vous avez été commissaire, estimez-vous réaliser un acte politique, d’autant plus qu’une expo sur la pratique du naturisme n’avait jamais été faite auparavant ?

    Parler de naturisme est, de toute évidence, un acte politique pour plusieurs raisons. D’abord parce que, depuis sa démocratisation en France dans les années 1930, ce mouvement s’est incarné dans des communautés libertaires, socialistes, anticapitalistes, et opposées à l’exploitation industrielle et animale. Aujourd’hui, nous assistons à un revival de cette crise civilisationnelle car les valeurs naturistes telles que la sobriété énergétique, la durabilité, le respect de la nature, des territoires et des cultures locales, sont à nouveau remises en cause. Il faut comprendre que la philosophie naturiste offre des alternatives précieuses pour repenser nos sociétés contemporaines face aux défis climatiques, économiques, politiques et sociaux. C’est ce qui la rend politique. Dans un second temps le naturisme est politique parce que lorsqu’il implique la nudité, il peut devenir un moyen de revendication privilégié. C’est l’objet de la dernière partie de l’exposition, dans laquelle nous avons voulu montrer que la nudité est un outil précieux des pratiques militantes occidentales, précisément parce qu’elle est très transgressive. On peut penser par exemple au cas des Femen qui l’utilisent pour revendiquer l’abolition des violences faites aux femmes.

    D’où vient d’ailleurs le titre de l’exposition ?

    L’idée d’un “paradis naturiste” s’inspire initialement de Rousseau et est teintée de religiosité, fondée sur l’ancienne croyance que les gens vivaient nus avant d’être contraints de se vêtir. Nous avons donc voulu faire référence à cette notion d’une nudité paradisiaque qui nourrit depuis longtemps nos mythologies et imaginaires. De plus, cette expression évoque également la quête de lieux idylliques, retirés et isolés, en communion directe avec la nature : des paradis naturels. Une dimension qui nous a semblé importante à mettre en avant. Enfin, comme je l’ai mentionné au début, nous avons jugé important de parler de “paradis naturistes” au pluriel pour illustrer la diversité et la richesse de ce mouvement.

    Vous écrivez dans l’ouvrage qu’avec le naturisme les individus sont de fait “tous nus, donc tous égaux”, pensez-vous que par la nudité l’ensemble des individus puissent être enfin sur un pied d’égalité sociale ?

    En tout cas, c’est une expérience qui déstructure le regard social qui consiste à classer les corps en fonction de leur forme, de leur volume, de leur poids, et de leur silhouette. Dans un lieu naturiste, où tout le monde est nu, la comparaison perd son sens, car c’est le vêtement qui, dans nos rapports sociaux, révèle surtout l’appartenance à une classe sociale. Ainsi avec le naturisme l’ordre social est bouleversé, cela permet forcément de partager des expériences sociales qui dépassent la question du corps, du genre, de la sexualité ou de la communauté. Néanmoins, les marqueurs de classes ne disparaissent pas totalement, notamment lorsque chacun retourne dans sa tente, dans son bungalow ou dans sa caravane. Mais ce qui est certain c’est que le naturisme permet, au moins à court terme, une forme d’égalité sociale !

    Peut-on dire que le naturisme reste l’apanage des classes sociales aisées ou est-ce trop réducteur d’affirmer cela ?

    Au départ entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle, ce sont en effet les élites bourgeoises qui s’emparent de cette pratique en faisant notamment des opérations immobilières, en achetant des terrains, en développant des instituts naturistes et des clubs sportifs jusque dans l’empire colonial algérien. Plus tard dans les années 30, apparaissent néanmoins des communautés naturistes fondées par des ouvriers et des communistes, qui découvrent le naturisme grâce au camping sur les bords de la Seine.

    Elles prônent un naturisme englobant les masses laborieuses et dénoncent les dérives d’un naturisme bourgeois en cette période charnière du Front Populaire. Mais c’est surtout la création de Montalivet par le couple Lecocq qui va permettre une ouverture plus sociale du naturisme, une démocratisation se met en place. Aujourd’hui nous vivons une troisième période, les fonds de pension rachètent les grands clubs pour les transformer en clubs de mobil-homes, la semaine y coûte maintenant très chère. Les personnes plus précaires se retrouvent donc exclues de ces espaces et se tournent plus vers des campings ruraux et alternatifs. Évidemment ça à un effet sur l’esprit du naturisme précapitaliste.

    Cette pratique a-t-elle participé à créer de nouvelles normes physiques ?

    Oui, notamment au début du XXe siècle en France, car le sport a servi d’entrée au naturisme. Le mouvement prônait à cette époque-là, le contact avec les éléments durant la pratique sportive comme étant bénéfique pour la santé. Aujourd’hui on retrouve d’ailleurs cet héritage dans de nombreux clubs naturistes possédant des piscines, des terrains de sports ou proposant diverses activités sportives de plein air.

    Plus tard pendant le nazisme de nouvelles normes physiques ont aussi tenté d’émerger puisque le naturisme était censé assurer la perpétuation de la “race aryenne”. Néanmoins, comme nous le montrons dans l’exposition, le naturisme a réussi jusqu’à aujourd’hui à se délivrer des normes et à devenir de plus en plus inclusif. Et si des discriminations peuvent subsister au sein des communautés naturistes, celles-ci ont quand même le mérite de faire cohabiter tous les corps, cela offre un exemple pour le reste de la société !

    Pensez-vous qu’avec le dérèglement climatique que nous vivons aujourd’hui, le retour au naturisme, notamment chez les jeunes, soit l’expression d’une angoisse croissante vis-à-vis de notre futur ?

    Je ne pense pas que le retour aux valeurs naturistes aujourd’hui soit uniquement une réaction à l’angoisse climatique ; il reflète plutôt une quête d’alternatives sociales défiant nos modèles préétablis. Ce que j’ai pu observer, c’est que les pratiques naturistes ont évolué en réponse à la réalité du changement climatique, avec l’émergence de nombreux lieux alternatifs tels que les éco-lieux, les campings ruraux, les communautés de vie et les pratiques autarciques. En fait, il y a un désir notamment chez les nouvelles générations d’aller vers une économie du proche qui respecte les espèces et les êtres vivants.

    Cette tendance est illustrée à mon sens dans le dernier livre des Des soulèvements de la terre : “Premières secousses”. Les valeurs écologiques qui y sont défendues font en réalité partie du même courant que les valeurs naturistes, ce qui explique l’intime lien entre ces pratiques. L’écologie comme le naturisme permettent de se situer différemment par rapport aux rapports de domination et d’exploitation de la nature. C’est ce qui les rend radicales, pourtant, je pense qu’un retour à ces valeurs est plutôt logique au regard de notre situation. On retourne d’ailleurs aux origines du naturisme du XXe siècle qui est né d’un même désir : fuir l’industrialisation.

    Vous affirmez que le naturisme est devenu un “produit” de la consommation de masse depuis 1950, or en France en 2024 la nudité reste considérée dans l’espace public comme de l’exhibitionnisme, comment pensez-vous que ce paradoxe de nos sociétés contemporaines capitalistes puisse être dépassé ?

    Le débat porte sur le droit à disposer de sa propre nudité, un thème central dans mon dernier ouvrage “Nudité : Philosophie des naturismes”. J’y montre que, de nos jours, la nudité est utilisée comme une arme : on cherche à nous la voler, à nous photographier à notre insu, car elle peut servir de moyen de pression, comme dans le cas du revenge porn. Ce droit, initialement pensé pour nous protéger, finit par se retourner contre nous-mêmes, car la nudité doit en permanence être garantie de ne pas être vue, ce qui entraîne une répression croissante des politiques touchant au corps. Cela se manifeste notamment sur les plages françaises ces dernières années, où des femmes ont été interdites de pratiquer le topless. Ce paradoxe est d’autant plus flagrant dans une société où la nudité et la semi-nudité sont omniprésentes, notamment sur internet avec la pornographie. Je ne sais pas si cette situation évoluera dans le futur, pour le moment le naturisme continue d’être pratiqué dans des lieux définis où il donc légal d’être nu.

    Estimez-vous que le mouvement naturiste évolue donc vers davantage d’inclusivité ?

    Oui, c’est certain, dans les espaces naturistes, les corps cohabitent naturellement, que ce soit dans les douches, à la plage, pour manger, danser ou discuter. La diversité des corps et leur visibilité libèrent alors chacun des idées préconçues sur soi-même et les autres. Par exemple, en 2022, sur l’île du Levant, une miss transgenre a été élue “miss nue”, illustrant le désir croissant d’inclusivité au sein du mouvement. Il faut aussi rappeler que sur les plages normales ou textiles, de nombreuses personnes hésitent à se montrer en raison de critères esthétiques. Le naturisme permet aux femmes de se libérer des injonctions, mais aussi aux hommes de se détacher des discours permanents et stigmatisants qui les assignent à être désirants. En fait, le modèle du naturisme est libérateur pour tous, parce qu’il s’attaque au patriarcat.

    Costanza Spina définit l’utopie comme le “lieu qui n’existe pas encore”, au regard de cette définition pensez-vous que le naturisme puisse constituer un projet politique à part entière qui permette à un monde nouveau de se réaliser au-delà des communautés que vous avez étudiées ?

    Cette définition implique la réalisation potentielle de l’utopie, dans le cas des espaces naturistes, je pense que c’est le cas : l’utopie existe et se matérialise dans des lieux précis. Comme nous l’avons vu précédemment bien que cela restreigne l’utopie, ça en fait aussi sa force. En fait, c’est ce qu’on appelle des hétérotopies, au sens où ce sont des lieux physiques de l’utopie, comme l’a théorisé Foucault. Ces îles naturistes ou clubs sont des endroits où les gens peuvent vivre différemment, découvrir d’autres aspects de la socialité et se détacher de la routine quotidienne grâce à leur géographie. Que ce soit à la campagne, à la montagne ou au bord de la mer, ces lieux propices offrent des relations différentes avec l’environnement, tant humain que non humain.

    Ces expériences de libération peuvent nous permettre de mieux vivre, d’avoir une meilleure conscience environnementale, d’améliorer nos relations de couple et notre manière de consommer, en nous questionnant sur ce qui est vraiment nécessaire pour nous. Évidemment, le naturisme tend à être un projet politique pour la société entière. Néanmoins, ce qu’il défend avant tout, c’est une révolution intérieure : accepter de faire le pas vers cette pratique et se libérer du poids de la société. Et tout ça n’est pas si simple car c’est une expérience qui change les individus ! Beaucoup ne sont pas prêts à cela, car ce n’est pas un acte anodin. Le naturisme demande de désirer les gens en tant qu’être, d’avoir une réflexion globale sur l’être humain, sa relation à la nature et aux autres. À l’inverse, rester dans des structures désirantes traditionnelles est évidemment plus confortable pour ne pas bouleverser l’ordre social patriarcal, capitaliste et écocide.

    Finalement, au regard de la situation politique actuelle en France et en Europe plus largement, estimez-vous que le naturisme puisse de nouveau être en danger à l’image de ce qui s’était produit en 1933 à la suite de l’élection d’Adolf Hitler ?

    L’exposition va commencer le 3 juillet, qu’est ce qui va se passer le 7 juillet ? On ne sait pas… Je ne pense pas que le naturisme puisse disparaître, mais évidemment il risque d’être remis en cause pour les valeurs qu’il défend comme la liberté corporelle, de genre et d’orientation sexuelle. Je crois aussi que l’intérêt économique protège cette pratique qui attire en France 2 millions de personnes chaque année. Peut-être que le néo-libéralisme protège finalement le naturisme. Néanmoins nous sommes contents de faire maintenant l’exposition parce que ce n’est pas sûr qu’on la fasse dans 6 mois !

    Source : https://urbania.fr/article/tout-tout-tout-vous-saurez-tout-sur-le-naturisme

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