Cela fait plusieurs années que les naturistes viennent avec enthousiasme contribuer gracieusement à la notoriété (et à la fortune) du célèbre photographe américain, Spencer Tunick.
Une de ses premières œuvres (Melbourne, 2001, ci-contre) montre d’ailleurs, sans ambigüité, la nature de cette relation.
Tous ses « modèles » sont des volontaires obéissants, non rémunérés et simplement récompensés par la remise d’une des photographies prise lors de l’installation. Les règles du jeu sont donc quasi-unilatérales : le figurant bénévole accepte de tout payer (déplacement, hébergement, nourriture). En cas d’incident ou même d’accident, il renonce à toute réclamation et poursuite contre l’entreprise ST.
Enfin, il lui est interdit d’avoir un appareil photo ou un prospectus présentant, par exemple, le naturisme.
Malgré ces conditions peu engageantes, nous décidons, une fois de plus, de faire le voyage pour le plaisir d’être nus ensemble et pour militer à la réappropriation du paraître naturel chez nos contemporains.
Vendredi 2 octobre. Trouvant difficilement à nous héberger à moindre frais aux environs de Mâcon, nous décidons, comme pour notre escapade britannique, de louer un camping-car.
19 heures : départ de l’Essonne. Nous sommes quatre nudiens de l’association APNEL : Bernard G, Richard M, Sylvie F et Jacques, votre scribe qui vous remercie d’avance de le lire.
Malgré la fatigue de la semaine de travail, nous roulons jusqu’à une heure du matin pour pouvoir passer la nuit à quelques encablures du lieu de rendez-vous.
Le lendemain matin, à la gare TGV de Loché Mâcon, nous retrouvons avec joie de nombreux naturistes.
Une partie de la presse est déjà présente. Certains s’en inquiètent, car Spencer leur avait promis de tenir les médias à distance. En effet, beaucoup de volontaires ne sont pas à l’aise avec la nudité (ils viennent simplement pour soutenir Greenpeace et/ou participer à une œuvre d’art). Nous sommes plus de sept cents personnes.
Par groupe de quinze, nous nous lançons à travers la campagne pour une heure de marche vers les coteaux plantés de vignes aux reflets dorés. Au passage, je fais mon travail de militant en distribuant les prospectus de l’APNEL aux villageois, aux hommes verts de Greenpeace et aux hommes bleus de la gendarmerie chargés d’assurer la sécurité des « pèlerins nudophiles ».
Arrivés à destination, nous écoutons les consignes avant de pointer et d’être entassés dans une minuscule clairière. On nous offre un verre de jus de fruit, quelques gâteaux secs et une pomme. Sans attendre les ordres, je profite de l’ensoleillement pour me déshabiller sous le regard désapprobateur de quelques « goélands disciplinés ». D’autres sont partis faire la queue pour aller aux toilettes (4 pour près de huit cents personnes avec les encadrants).
Montés sur leurs escabeaux, les leaders enchainent alors leurs discours. Pour Greenpeace, nous sommes « l’opinion » et nous allons orienter la politique environnementale des gouvernements. Et les sept cents bénévoles très fiers, bien que parqués dans leur petit près, d’applaudir 😉
Les médias sont également sur les escabeaux, au grand dam de certains qui commencent à regretter leur participation : c’est déjà pas facile de se mettre nu pour la première fois en public… alors imaginez, devant des caméras !
La presse fait son travail. Greenpeace et Spencer Tunick ont, de toute façon, tout intérêt à leur faciliter les choses (même au mépris de leurs engagements).
Et ça marche, malgré tout, tant le plaisir de participer à un tel évènement est considérable.
Pour beaucoup, c’est un chalenge extraordinaire : être nu en public ! Pour tous, une grande liberté, comme aurait pu dire malicieusement Jonathan Livingston le goéland…
Au programme, quatre installations :
La deuxième avec les bras en croix, solidaires de ceux des voisins.
La troisième avec seulement les hommes (juste pour justifier la suivante ;-), et la quatrième avec seulement les femmes, allongées et recouvertes de raisin noir.
Plusieurs heures en plein soleil, sans un verre d’eau. Une personne fait même un malaise…
Des journalistes sont heureux de pouvoir nous interviewer (la plupart des gens sont évidement réticents). Nous en profitons pour évoquer également le naturisme en liberté.
Mais ces propos seront bien sûr censurés (les journalistes avaient été conviés par Greenpeace et Spencer Tunick et évidement pas… Par l’APNEL).
Je repars avant la fin, avec un petit groupe, à pied vers la gare TGV pour récupérer le camping-car.
En effet, l’autocar affrété à l’aller pour véhiculer les personnes à mobilité réduite n’a pas été reconduit pour le retour. C’est pour moi l’occasion de converser avec quelques participants pour évoquer leur ressenti et quelques villageois pour connaître leurs sentiments.
Au retour, je rencontre les femmes, revenant nues avec quelques grappes de raisin noir dans les mains.
Spencer Tunick, bon enfant, se mêle à ses modèles.
Notre ami Hubert en profite pour l’interviewer
Le soir, nous nous retrouvons dans un restaurant bien accueillant avec nos nudiens indigènes et nos trois amis des médias (qui vont d’ailleurs continuer avec nous leur reportage le lendemain pour « couvrir » l’une de nos randonues régionales à Bouzeron, près de Beaune).
Merci à ST et à GP pour leur formidable initiative. Et même si Spencer, toujours vêtu de sa tunique, ne « cautionne pas le naturisme » comme il nous l’a aimablement répété, il nous aide involontairement à banaliser le dernier des grands tabous : Celui de la nudité !
Vidéo du « Parisien libéré » avec une interview de Sylvie Fasol
Texte et photos de jacques Freeman