Après avoir tissé des relations amicales auprès des associations cyclistes de la région, le plus difficile était d’avoir l’autorisation de la préfecture.
Le 1^er juin, j’envoie une lettre en A/R à la préfecture déclarant « une manifestation festive ayant pour but de montrer la vulnérabilité du corps humain face aux voitures. Dans cet optique, l’habillement sera libre ». Cette demande mentionne que cet événement a le soutien de l’Apnel (association pour la promotion du naturisme en liberté, rédigée en toute lettre). Je rajoute « nous revendiquons plus de pistes cyclables sécurisées, plus de zones piétonnes, moins de voiture en centre-ville pour lutter contre la pollution et le stress engendré par le tout voiture, plus de transport en communs….).
Quelques temps après, la préfecture me dit qu’ils n’encadrent pas les manifestations festives mais uniquement celles qui ont une démarche revendicatives. Je dois m’adresser à la mairie directement.
Deux jours plus tard, la mairie me dit que je n’ai pas besoin d’encadrement vu le nombre limité de cyclistes annoncés, ni besoin d’un accord écrit. Pour me rassurer, ils me donnent le nom du service (la DCRP) et l’identité de deux responsables, ils m’assurent plusieurs fois que je n’ai qu’à donner ces noms si j’ai un souci mais que tout ira bien.
Le jour venu, après avoir fait quelques aller-retour bien fatiguant pour récupérer des pousses-pousses et autres tandems, je retrouve nos joyeux participants déjà bien déguisés au lieu du rendez vous.
Après avoir bu un verre bien mérité pour reprendre des forces avec mes amis, je commence la séance body painting qu’un ami rencontré sur Facebook a acheté.
Je vois avec plaisir que Roger Banchereau, membre du bureau fédéral de la FFN, a fait le voyage de Fréjus pour nous soutenir et nous apporter sa joie de vivre.
Entre les différentes consignes aux uns et aux autres, la mise en place des drapeaux sur les vélos et la mini interview accordée au journaliste de la Provence, le temps passe rapidement. Il était temps de sonner le départ d’autant que le photographe menaçait de partir car il avait un autre événement à couvrir. Vu le beau cliché qu’il a pris, ça aurait été dommage de s’en priver.
Et nous voici sur nos vélos, nus pour la plupart, motivés à braver l’ordre établis et rendre la nudité banale, festive et naturelle, symbole de fragilité du corps face au trafic.
Les drapeaux volent au vent montrant aux passants soient médusés, soient amusés, nos messages prônant un monde plus respectueux de la nature « 100% bio, 100% naturel », « nous sommes fait de chair et d’os, pas en tôle », « Humains nus fragiles », « Revenez à la nature », « Love your bike », « nus et innocents face à la pollution »….
Mais ces festivités ne durent pas et la police nous rejoint pour bloquer notre progression avant d’entamer l’ascension de la corniche. Nous avons alors entamé des échanges de points de vue avec la police sur ce défilé surprenant. Tout en restant courtois, nous avons démontré que nous savions ce que nous faisions et que notre but n’était pas de faire de l’exhibitionnisme. D’ailleurs, le flyer a été bien utile pour clarifier nos propos. Montrer les photos de policiers anglais encadrant la cyclonue de Londre a eu un effet certain.
Malgré tout, l’ordre était donné d’embarquer au commissariat un membre de ce joyeux groupe. Gilles , avec sa caméra, était le candidat parfait. Challenge qu’il a relevé brillamment en distribuant les flyers de la cyclonue à tout le monde, ou presque. Seulement 1h30 après, il était déjà de retour, sans suite, sans amende, sans convocation ultérieure.
On peut dire que cette première Marseillaise était un coup d’essai. L’année prochaine faudra que la préfecture, ou la mairie, soit claire avec nous pour obtenir une autorisation écrite mentionnant la nudité comme permise.
Un autre challenge nous attend, celui de démontrer que la France peut aller au-delà des préjugés et qu’elle respecte les droits individuels.
La France doit suivre l’exemple des autres pays en matière de respect des libertés au risque d’être montré du doigt comme un pays archaïque aux mentalités dépassées.
Finissons par une note positive montrant que la police est intervenue avec diplomatie, écoute et compréhension. Seulement ils ont des ordres et doivent les appliquer. En espérant que l’année prochaine, ils nous encadrent pour notre défilé pacifique.