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Yves-Ferdinand Bouvier : nécessité de la nudité
Docteur en linguistique et auteur d’une trentaine de livres de littérature, Yves-Ferdinand Bouvier dévoile enfin ses talents de philosophe humaniste et élargit au passage le champ de la bioéthique avec ce livre blanc déroutant autant qu’indispensable : qui se plaindrait d’avoir les idées retournées comme rançon d’une façon de penser neuve et résiliente ?
Mon vêtement préféré a toujours été ma peau : elle me va si bien !
Je trouve même tellement désagréable d’endosser un vêtement rapporté que j’ai une nette tendance à penser que tous nos maux prennent racine dans l’interdiction de la nudité, qui constitue pourtant notre vérité première au moment de naître – et dans la consécutive tabouisation de la plus noble partie du corps, celle qui permet la transmission de la vie.
Autant je n’ai rien contre une bonne petite laine quand le thermomètre descend en-dessous de dix ou douze degrés, autant je suis navré de devoir m’habiller pour sortir de chez moi quand il s’élève au-dessus de quinze degrés : on serait tellement mieux nus à Paris où il fait si chaud sur le bitume surchauffé !
La nudité est par ailleurs importante à plusieurs titres : d’abord pour la santé physique, par le simple fait que notre peau accomplit, parmi d’autres fonctions, celle d’organe respiratoire qui a besoin d’échanges gazeux avec l’extérieur, ainsi que celle de capteur de lumière solaire responsable notamment de la synthèse de la vitamine D dont la carence signifie notre mort à brève échéance.
La nudité est également nécessaire à l’équilibre psychique :
elle favorise les sentiments d’acceptation de soi, d’acceptation de l’autre, et d’acceptation de soi par l’autre ; en outre, elle favorise la sincérité et fait obstacle à l’hypocrisie et à la dissimulation qui ravagent si profondément nos rapports sociaux. Pour les enfants, qui sont en phase de construction de leur corps et de leur identité, la nudité est particulièrement cruciale : ils ont besoin de voir non seulement d’autres enfants nus pour se comparer à eux et se sentir libres d’être eux-mêmes, mais aussi des adultes nus afin d’acquérir des certitudes rassurantes, plutôt que des imaginations malsaines, sur l’aspect naturel du corps qui sera le leur lorsqu’ils
auront traversé la puberté, ainsi que sur l’aspect naturel du corps de l’autre sexe – sans cela, ils garderont un déficit d’acceptation de la vie en général et du corps en particulier, car l’idée folle que le corps puisse inclure des parties dont la vue est interdite constitue en soi un traumatisme dont les pédiatres sous-estiment gravement les effets.
Les vertus de la nudité se déploient également au niveau social : seule la nudité permet une vie collective harmonieuse à travers l’égalité sociale qu’elle restaure (l’habit sert surtout à
distinguer les riches des pauvres) et la vulnérabilité naturelle qu’elle met en relief (l’habit sert aussi à dominer, qu’il s’agisse d’un uniforme de fonction ou d’une parure dont l’élégance est
une arme d’asservissement).
Enfin, seule la nudité complète permet un ressenti complet des informations sensorielles du monde qui nous entoure : la peau est le plus grand des organes récepteurs possibles, puisqu’il
pose les limites extérieures du corps et ne contient donc que des organes plus petits que lui. J’inclus dans la peau les cheveux, la barbe, les poils et le duvet qui sont de merveilleuses antennes tactiles, à l’image des moustaches des chats : si je me coupe les cheveux ou la barbe trop courts, je suis soudain privé d’informations sensorielles qui me manquent cruellement jusqu’à la repousse.
Pour en revenir à la peau, il est presque impossible d’avoir le moindre ressenti du monde extérieur lorsqu’on est entièrement emballé dans une combinaison de skieur ou d’apiculteur – alors que, étendus au soleil dans une prairie naturiste, nous redevenons soudain partie intégrante de la symphonie terrestre !
Le fait d’interdire la nudité a d’autre part un effet particulièrement pervers :
cette tabouisation sexualise le corps, alors que le corps n’a rien de sexuel en soi – même le pénis à l’état naturel est rétractile et disparaît presque entièrement à l’intérieur du pubis dans de nombreuses circonstances, en particulier le froid ou l’effort, mais il ne peut le faire que lorsqu’on ne pense pas continuellement à lui à cause de l’interdiction de le « montrer » qui lui confère une importance qu’il n’a pas…
En vérité, la nudité assumée n’a rien de sexy : des habits suggestifs, serrés ou décolletés, le sont beaucoup plus ! À cause de cette interdiction et du désir qu’elle entretient de manière maladive, le corps est devenu un objet de convoitise, ouvrant la porte aux viols et autres perversions sexuelles qui n’existent quasiment pas dans les sociétés assumant leur nudité. L’habit a donc largement contribué à l’asservissement de la femme, et la prise de conscience de ce fait devrait donner une nouvelle vigueur aux mouvements de libération féminine – aussi vrai que personne ne sera jamais libre à l’intérieur d’une prison, fût-elle de tissu.
Si vous souffrez de pudeur, prenez conscience qu’il s’agit d’une forme de biophobie dont vous êtes victime parce que les idées folles de vos éducateurs vous ont coupé du flot naturel de la vie ; et préparez-vous à en guérir, car la nudité reviendra en force dans le monde postindustriel, d’autant plus si le réchauffement climatique induit par les grands cycles solaires et cosmiques se poursuit.
Chacun goûtera alors au bonheur de marcher non seulement le nez au vent, mais encore en sentant le souffle de la vie raconter le monde au moindre millimètre carré de la peau ; et nos rapports humains apaisés nous permettront peut-être enfin de vivre en harmonie avec nous-mêmes, nos semblables et notre environnement.
Sources :
https://www.facebook.com/yvesferdinandbouvier/
https://www.franceculture.fr/personne-yves-ferdinand-bouvier.html
https://www.editionsmarcopietteur.com/livre-blanc/310-nouveau-barbare-24-lecons-de-savoir-revivre-9791094758182.html.
Ce message a été écrit par : jfreeman.
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